Sommaire [Afficher]
- 1. C’est bon pour la santé, on vous dit !
- 1.1. A l’époque, la bière est une boisson “saine”
- 1.2. A l’époque, la bière est presque considérée comme un médicament
- 1.3. La bière, comme nourriture, au même titre – ou presque – que le pain
- 2. Que dit la règle monastique, exactement ?
- 3. Et le pape, il en dit quoi ?
- 4. Et aujourd’hui ?
- 5. Et si la bière rendait saint ?
- 6. Découvrir les bières des moines
En voilà une vraie question tiens : les moines ont-ils le droit de boire de la bière ? Petite anecdote : en 1814, les moines trappistes de l’abbaye de Westmalle, en Belgique, reviennent d’exil. Après des années d’absence, le retour est difficile, alors pour remonter le moral de ses frères, le prieur les autorise à boire deux verres de bière par jour. Cela veut dire qu’ils peuvent, mais que c’était interdit auparavant … ? Et si le moral se trouvait au fond du verre ?
Allez, en exclusivité pour vous, Divine Box a mené l’enquête pour répondre à la question : “les moines ont-ils le droit de boire de la bière ?”. En avant !
Un moines brasseur surveille la cuve dans la brasserie de l’abbaye de Rochefort. – Divine Box
C’est bon pour la santé, on vous dit !
Dès le IXe siècle, les moines commencent à brasser de la bière, destinée en grande partie à leur consommation personnelle ! A l’époque, dans le but d’être autonomes, presque chaque abbaye à sa brasserie. Mais ne nous y méprenons pas, boire de la bière à cette époque n’était pas du tout synonyme d’orgie ou de fête. Cette habitude était simplement dictée par des raisons sanitaires. Suivez le guide…
A l’époque, la bière est une boisson “saine”
Jadis, l’eau était généralement de piètre qualité, souvent contaminée, et rendait souvent malade. Alors les moines ont eu l’idée ingénieuse de se mettre à boire de la bière ! Eh oui, cela permettait d’éviter d’attraper des infections :
- En effet, pour faire de la bière, il faut faire bouillir l’eau. Et qui dit eau bouillie, dit adieu les bactéries !
- Ensuite, sainte Hildergarde, moniale bénédictine du XIIe siècle, introduit le houblon dans la recette de la bière. Elle avait en effet remarqué que celui-ci, en plus de conférer de beaux aômes au breuvage, jouait un rôle d’antiseptique, limitant ainsi la présence et la croissance des virus et des bactéries.
Alors même pendant les périodes de jeûnes, la bière était autorisée et même encouragée à chaque repas ! Mais c’est pour la bonne cause on vous dit…
Sainte Hildegarde instruisant le brassage avec du houblon à un moine. – Manuscrit médiéval
A l’époque, la bière est presque considérée comme un médicament
Même s’il est entendu qu’aujourd’hui la bière n’a aucune vertu médicinale (et qu’il faut la consommer avec modération !), les moines à l’époque avaient une vision un peu moins tranchée. En voici deux exemples :
- D’anciennes archives de l’abbaye de Westmalle stipulent que deux bières par jour réduisent le stress de 50%.
- La Chimay Rouge était surnommée au début de sa production au XIXe siècle la “bière de santé” ou “bière hygiénique” car on racontait que certains lui devaient leur guérison…
Alors vous voyez, la bière était vraiment considérée comme un remède miracle à l’époque !
Ancien sous-bock Orval, qui prône les bienfaits de la bière sur la santé. – catawiki.fr
La bière, comme nourriture, au même titre – ou presque – que le pain
Quand les moines ont commencé à brasser leur bière, celle-ci était faite selon une recette particulièrement nourrissante : elle comportait beaucoup de fer et de vitamines, était très épaisse et avait un faible degré d’alcool. Les frères la surnommaient d’ailleurs le “pain liquide”, elle permettait de compléter leur régime frugal.
Après la réforme trappiste surtout, au XVIIe siècle, le régime alimentaire des frères était très strict et la plupart d’entre eux étaient végétariens. La bière leur permettait donc de gagner un peu d’énergie.
Par exemple, l’abbaye du Mont des Cats se mit à brasser dès 1847, notamment pour nourrir les moines et les ouvriers qui construisaient l’abbaye à la force de leurs bras !
Vieux dessin d’un moine qui brasse de la bière au Moyen-Âge. – Divine Box
Que dit la règle monastique, exactement ?
Bon, il semble que les moines aient eu l’autorisation de boire de la bière, car cela pouvait être bon pour leur santé ou leur régime. Mais les règles monastiques initiales se sont-elles déjà prononcées sur ce sujet ?
Les origines, avec la règle de saint Benoît
Dans la règle de saint Benoît, le quarantième chapitre est consacré à l’usage de la boisson. Mais cette règle ayant été écrite en 529, c’est plutôt de vin qu’il s’agissait, la consommation de bière n’étant alors pas répandue. Dans ce quarantième chapitre donc, il est dit que :
“une hémine (≈0,27 litre) de vin suffit à chacun pour la journée. Quant à ceux auxquels Dieu donne la force de s’en passer, qu’ils soient assurés qu’ils en recevront une récompense spéciale. Si la situation du lieu, ou le travail, ou les chaleurs de l’été demandent davantage, la volonté du supérieur en décidera ; mais il veillera surtout à ne pas laisser s’introduire la satiété ou l’ivresse (…) car le vin fait apostasier même les sages.”
En fait, pour saint Benoît, l’alcool n’était pas en accord avec la vie monastique, mais il était bien conscient qu’imposer une interdiction totale aux moines aurait été difficile, si ce n’est impossible. Alors il y avait une tolérance. Sympa, saint Benoît !
Mais attention, il y existait tout de même un certain contrôle. Il était très mal vu dans les abbayes d’être ivre et certains critères permettaient de limiter la consommation des frères. Par exemple au VIe siècle, il fut décidé que si un moine était incapable de chanter le psaume du soir convenablement, alors il était privé de souper. Voilà qui lui apprendrait… Et être ivre dans le monastère était passible de quarante jours de pénitence. Autant vous dire qu’il valait mieux ne pas s’y risquer…
Saint Benoît transmettant sa règle à ses disciples. – British Library
Changement d’ambiance avec les trappistes
Au XVIIe siècle, l’abbé de Rancé, père abbé de l’abbaye de la Trappe de Soligny, lance une grande réforme, qui aboutira à ce qu’on appelle aujourd’hui l’ “ordre cistercien de la stricte observance”, dont les membres sont surnommés trappistes ! (Trappiste, la Trappe, vous suivez ?)
L’idée à l’époque est de se recentrer sur la règle de saint Benoît (prière et travail) et à s’éloigner du luxe et de la richesse qui étaient parfois de mise dans certaines abbayes.
Au départ, bien que cette réforme impose un régime très strict aux frères et un retour à l’essentiel, la consommation de bière au repas y est prônée pour des raisons de salubrité (nous en avons déjà parlé)
Mais un peu plus tard, aux XVIIIe et XIXe siècles, Augustin de Lestrange est bien plus exigeant. Moine très influent à l’abbaye de la Trappe, il impose une nouvelle règle de vie encore plus contraignante, notamment au niveau de l’alimentation. Pour lui, en-dehors de l’eau pure, point de salut ! Il affirme en effet :
« L’on ne boira ni vin, ni bière ni cidre ni quelque boisson alcoolisée que ce soit, uniquement de l’eau pure. »
Ça ne rigole pas… Mais la discipline imposée par Augustin de Lestrange est si stricte qu’elle en devient parfois dangereuse pour les frères, qui finissent par s’en éloigner petit à petit (ou parfois même, à en mourir!). Malgré ces excès, il aura quand même contribué à la suite de l’abbé de Rancé, à la fondation de l’ordre trappiste. Alors merci abbé de Lestrange !
Dom Augustin de Lestrange, moine de l’abbaye de la Trappe aux XVIIIe et XIXe siècles – Divine Box
Et le pape, il en dit quoi ?
Mais si les pères abbés des abbayes ont une certaine liberté sur les règles à suivre au sein de leur communauté, ils n’ont pas le dernier mot. Eh oui, le Vatican a quand même son mot à dire : alors le pape, qu’a-t-il dit au sujet de la consommation de bière ?
En 1700, les frères minimes du monastère de Neudeck ob der Au, en Bavière, lui ont demandé directement son avis. Ces frères suivaient une hygiène de vie très stricte et voulurent pour le carême adopter un régime encore plus draconien : ne consommer que de la bière pendant quarante jours ! Ils ont alors concocté une bière riche en malt et donc très nourrissante qu’ils surnommaient “le pain liquide”.
Ils décidèrent ensuite d’envoyer un tonneau de ce breuvage au pape pour savoir ce qu’il en pensait. Mais au cours de son voyage, la bière pris un petit coup de chaud et le liquide que découvrit le pape n’avait plus rien à voir avec celui de départ. Le pape goûta et décréta qu’une boisson si répugnante ne pouvait qu’aider les moines à laver leurs péchés.
Et voilà, sur un petit malentendu, la pape avait ainsi autorisé la bière pendant le carême. À bon entendeur !
La bière Paulaner est celle brassée par les frères du monastère de Neudeck ob der Au dès le XVIIe siècle. Celui-ci a fermé mais la bière existe toujours. – paulaner.com
Et aujourd’hui ?
Plus sérieusement, aujourd’hui, le Vatican n’a jamais approuvé les principes de l’abbé de Lestrange, et n’a pas exclu l’alcool des monastères. Au fur et à mesure, ceux-ci ont défini eux-mêmes leur discipline en termes de consommation de bières. Certains choisissent de l’exclure, d’autres la réservent pour les jours de fête, d’autres encore en consomment un peu plus régulièrement, mais toujours avec modération !
Par exemple, les frères d’Engelszell et ceux de Zundert boivent la bière qu’ils brassent au déjeuner du dimanche. Et à Spencer, les moines disent souvent : “beer brigthens up sunday suppers”, autrement dit, la bière égaie le dîner du dimanche soir !
Les frères de l’abbaye de Zundert ont le droit de déguster la bière qu’ils brassent au déjeuner du dimanche. – spiritedmatters.com
Et si la bière rendait saint ?
Pourquoi tant de débats sur la consommation de bière chez les moines ? Eh bien parce que les moines cherchent avant tout à vivre dans la simplicité pour se consacrer à un but précis : devenir des saints ! Et l’alcool ne semble pas vraiment en phase avec cette objectif…
Mais si justement, c’était tout le contraire ? Si boire de la bière pouvait rendre saint ? C’est en tout cas ce que démontre un proverbe amusant que les frères de l’abbaye de Saint-Wandrille ont accroché au mur de leur brasserie :
Qui bibit, dormit ;
qui dormit, non peccat ;
qui non peccat, sanctus est ;
erga : qui bibit, sanctus est.
Et en français :
Qui boit, dort ;
qui dort, ne pèche pas ;
qui ne pèche pas, est saint ;
donc : qui boit, est saint.
Les moines de l’abbaye de Saint-Wandrille ont accroché ce proverbe au mur de leur brasserie. – Divine Box
Découvrir les bières des moines
Parlons peu parlons bien, si les moines brasseurs peuvent parfois s’accorder un petit verre de bière au repas, c’est avant tout pour vous et nous qu’ils la brassent ! Alors si vous voulezdécouvrir les meilleures bières d’abbayes, faites un tour sur notre site ou laissez-vous tenter par notre petite sélection ci-dessous 😇