Sommaire [Afficher]
- 1. Sénanque : un nom qui coule de source
- 2. 900 ans d’histoire à l’abbaye de Sénanque
- 2.1. La fondation
- 2.2. L’apogée au XIIIe-XIVe siècle !
- 2.3. XVe siècle : la fin de l’abbaye de Sénanque ?
- 2.4. XVIe siècle : les catastrophes continuent…
- 2.5. Révolution française : les mésaventures se poursuivent !
- 2.6. A partir du XIXe : entre espoirs et expulsions…
- 3. Aujourd’hui
- 4. Une abbaye qui ne manque pas d’humour(istes)
- 5. L’abbaye de Sénanque est « timbrée » !
- 6. Bientôt un saint à l’abbaye de Sénanque ?
- 7. En savoir plus (adresse, retraite, produits…)
Au cœur du Lubéron, nichée entre d’infinis champs de lavande, s’élève la fameuse abbaye de Sénanque !
Ce monument, dont la fondation remonte au XIIe siècle, n’a pas toujours eu une histoire paisible, avec plusieurs siècles de mésaventures à son actif… Mais depuis 1988, l’abbaye de Sénanque est à nouveau peuplée de moines. Ces derniers viennent de l’abbaye de Lérins, et sont donc cisterciens de la « commune observance ».
Dans cet article, on vous emmène découvrir cette pépite provençale : son histoire, sa communauté et ses produits. C’est partiii !
J’achète les produits de l’abbaye de Sénanque
Sénanque : un nom qui coule de source
« Sénanque », en voilà un nom curieux ! Mais d’où vient-il ?
Pas la peine d’aller voir dans le calendrier, il ne s’agit pas du prénom d’un saint !
En fait, il semble qu’au XIIe siècle, déjà, la vallée possédait un superbe cours d’eau : la rivière « Sénancole ». Son nom vient du latin « sana aqua », et signifie « eau saine ». Or les religieux, dans leur grande tradition cistercienne de moines agriculteurs, avaient bien compris l’intérêt pour eux de ce cours d’eau ! Ainsi, en hommage à cette rivière qui leur était précieuse, ils ont repris son nom pour baptiser l’abbaye : « Sénanque ».
Élémentaire mon cher Watson !
Rivière « La Sénancole » qui coule à l’abbaye de Sénanque ©Google Maps
900 ans d’histoire à l’abbaye de Sénanque
L’histoire de l’abbaye de Sénanque débute au XIIe siècle et a connu de nombreuses péripéties en 900 ans : entre prospérité, âge d’or, révolution, guerre et reconstruction, venez découvrir avec nous la riche histoire de l’abbaye !
La fondation
Tout commence, au milieu du XIIe siècle, à peine cinquante ans après le début de la réforme initiée à l’abbaye de Cîteaux. À l’époque, les cisterciens sont en pleine croissance : on compte près de 350 fondations partout en Europe !
En ce jour de grâce du 23 juillet 1148 (date de fondation officielle), tout commence pour l’abbaye Notre-Dame de Sénanque. C’est déjà la quatrième abbaye cistercienne construite en Provence, après Le Thoronet, Aiguebelle et Silvacane.
Les moines choisissent de la construire au cœur d’un vallon bien isolé, comme le veut l’ordre cistercien (« On ne doit construire aucun monastère dans les villes, les bourgs et les domaines ruraux » – chapitre 9 de la Summa Cartae Caritatis ).
Assez vite, les moines s’organisent en construisant toutes les choses nécessaires à leur quotidien : boulangerie, jardin, métiers divers etc… En effet, ils ont à cœur de respecter le chapitre 66 de la règle de saint Benoît : « Le monastère, autant que possible, doit être construit de manière qu’on y trouve tout le nécessaire, eau, moulin, jardin, et que les divers métiers soient exercés à l’intérieur du monastère. Ainsi les moines n’auront pas à circuler au dehors, ce qui n’est pas bon du tout pour leur âme »
Finalement, la dernière pierre de l’édifice sera posée en l’an 1220, ce qui nous donne un construction de près de 70 ans pour l’abbaye de Sénanque. Chapeau.
L’apogée au XIIIe-XIVe siècle !
L’abbaye peut prospérer grâce à de généreux donateurs : la famille des Agoult Simiane de Gordes et des seigneurs de Venasque. Les frères sont très reconnaissants ! D’ailleurs, le corps de Geoffroy de Venasque repose dans l’église abbatiale, un grand honneur accordé par la communauté !
Au XIII et XIVe siècles, le domaine et l’influence de l’abbaye ne cessent de grandir ! L’abbaye vit des jours heureux avec ses quatre moulins, son hôpital, ou encore une ferme à Maussan et plusieurs maisons à l’Isle sur la Sorgue. L’abbaye est riche et la communauté, composée d’une quarantaine de frères, peut vivre paisiblement ! Mais bientôt, les pépins pointent le bout de leur nez, notamment au XVe siècle…
Reconstitution en 3D de l’abbaye de Sénanque au Moyen-Âge © Abbaye de Sénanque
XVe siècle : la fin de l’abbaye de Sénanque ?
Au XVe siècle, en Provence comme partout en France, le trouble et les violences des guerres impactent la paix des ordres religieux.
L’abbaye n’est pas épargnée : le bâtiment se dégrade et s’effondre, les vocations se perdent et la situation devient de plus en plus compliquée. En 1439, ils ne sont plus que trois frères… On ne vous fait pas un dessin… c’est une période difficile !
De même, quelques années plus tard, l’abbé Dom Bérenger Borgarelli raconte que ce n’est pas mieux : des bâtiments détruits, un monastère en ruine, et des finances qui sont au plus bas.
À l’époque, une question est sur toutes les lèvres : « est-ce la fin de l’abbaye de Sénanque ? »
L’abbaye de Sénanque est aujourd’hui un monument protégé et reconnu pour sa richesse architecturale ! © Istockphoto
XVIe siècle : les catastrophes continuent…
Au XVIe siècle, l’abbaye est encore debout et les moines tiennent bon, malgré tout… Mais c’est maintenant au tour des guerres de Religion de venir semer le trouble !
En 1544, c’est le coup de grâce quand une bande armée attaque l’abbaye. La partie sud du monastère est incendiée, les archives sont brulées, et le réfectoire, la fontaine du cloître ainsi qu’une partie des bâtiments sont détruits. Et pour couronner le tout, douze moines de Sénanque sont pendus.
Décidément, à Sénanque, les catastrophes s’enchaînent…
Une procession de la Ligue pendant le siège de Paris (1590). Musée Carnavalet, Paris © CC
Révolution française : les mésaventures se poursuivent !
Juste avant la triste période Révolutionnaire, en 1781, le dernier moine de Sénanque meurt. C’est la fin de plus de 600 ans de vie monastique sur place. Quelle tristesse !
À l’instar de beaucoup d’autres établissements religieux à l’époque, l’abbaye est alors vendue comme bien national (pour 28000 francs, pour ceux que ça intéresse !).
Heureusement, elle atterrit dans les mains d’un propriétaire qui :
- prend soin d’enlever tout ce qui revêt un caractère religieux pour protéger Sénanque d’éventuelles destructions. La croix qui couronne l’église ainsi que les trois cloches sont ainsi retirées.
- va même jusqu’à la consolider à coups de grands travaux !
Documentaire de l’inventaire de l’abbaye en 1790 © Abbaye de Sénanque
A partir du XIXe : entre espoirs et expulsions…
Milieu XIXe : le retour des moines
Au début du XXe le sort de Sénanque n’est pas fixé, et tout le monde veut savoir ce que deviendra l’abbaye : de sa transformation en usine jusqu’à sa vente pierre par pierre, de nombreux bruits courent à son propos !
Pourtant, l’histoire donne raison aux moines et à la poursuite de leur vie monastique : ainsi en 1854, une communauté de moines venue de Lérins s’installe à l’abbaye de Sénanque. Le propriétaire des lieux accepte ensuite en 1857 de céder son bien à l’ordre : Sénanque redevient un édifice religieux !
C’est l’heure de la reconstruction, et d’importants travaux sont menés :
- à la fois pour restaurer l’abbaye et ses vieux bâtiments
- à la fois pour l’agrandir. C’est à cette époque, par exemple, que voient le jour le noviciat, les ateliers ou encore l’hôtellerie
Tout va pour le mieux à Sénanque, et bientôt, 72 moines prennent place dans les locaux, grâce à de nombreuses vocations !
Fin XIXe et début XXe : encore des expulsions…
Les moines ne sont pas au bout de leurs peines cependant ! Le 05 novembre 1880, les gendarmes chassent les moines en vertu de la nouvelle loi contre les congrégations religieuses : la plupart des frères se retirent à Fontfroide ou rejoignent l’abbaye de Lérins. Trois moines sont autorisés à rester à Sénanque sous condition de reprendre l’habit séculier. Rebelote en 1882, l’Abbaye est à nouveau vendue comme bien national pour 15 000 francs.
Les moines persévèrent et tentent de récupérer leur abbaye ! Dès 1889, des moines se réinstallent dans l’Abbaye sans que le propriétaire officiel ne manifeste de réprobation. Malheureusement, les autorités les chassent en 1903, encore une fois. l’abbaye est laissée à l’abandon et sera même dégradée par plusieurs squatteurs. Enfin, en 1905 un rentier de Cavaillon achète l’abbaye et en confie la gestion à un fermier !
[Début-mi] XXe : un nouvel espoir… de 43 ans
Une nouvelle parenthèse d’espoir s’ouvre en mai 1926 : Sénanque est à nouveau rachetée par l’abbaye de Lérins, qui y envoie une douzaine de moines.
Mais, accrochez vos ceintures, cela ne dure qu’une quarantaine d’années, car en 1969, il ne reste plus que trois moines âgés à Sénanque…
Ainsi, l’abbé de Lérins décide de louer momentanément l’abbaye, en contrepartie, le nouveau propriétaire s’engage à restaurer les bâtiments !
Au terme du contrat, le lieu sera rendu aux moines cisterciens. Le 24 octobre 1969, un bail de 30 ans est signé avec la société Berliet, qui mène à bien la campagne de restauration de l’Abbaye.
Fin du XXe siècle : le retour des moines, enfiiin !
Au début des années 90, la communauté monastique de Lérins est suffisamment importante pour essaimer en Italie ( monastère de Pra’d’Mill ) et envisager un retour à Sénanque.
Le bail de 30 ans n’est pas à échéance, mais avec grandeur et générosité, Paul Berliet remet l’Abbaye aux Frères. Le 04 Octobre 1988, une communauté de moines cisterciens venus de Lérins se réinstalle à Sénanque. En 1999, au terme du contrat fait avec le propriétaire privé, le bien redevient la propriété de la communauté cistercienne.
L’abbaye de Lérins vue du ciel © Abbaye de Lérins
Aujourd’hui
L’abbaye Notre-Dame de Sénanque est aujourd’hui une abbaye cistercienne qui abrite sept frères. Ils suivent la règle bénédictine et sont cisterciens de « la commune observance ». Leur phrase favorite ? « Ora et Labora » ce qui signifie prie et travaille !
Concrètement, leurs journées sont rythmées d’abord par sept offices : les Vigiles d’abord à 4h30, puis Laudes / Messe / Sexte / None / Vêpres tout au long de la journée, et enfin Complies à 20h15.
Entre ces temps de prière en communauté, les frères travaillent, comme tout le monde pardi ! Concrètement, ce travail monastique prend plusieurs formes à l’abbaye de Sénanque :
- dimension agricole : avec le jardin, les ruches, les oliviers, le lavandin etc…
- dimension d’accueil, avec l’hôtellerie ou la boutique de l’abbaye
- dimension touristique, avec les visites à organiser pour les 80000 visiteurs/an : dortoir, abbatiale, cloître, ou encore salle capitulaire
Ces différents travaux permettent de subvenir aux besoins de la communauté, et de financer une partie des immenses travaux de restauration de l’abbaye… Par exemple, en 2023, ils ont entrepris de reconstruire l’escalier des « matines » qui permettait aux moines de descendre directement dans l’église pour l’office des Matines… à 2h30 du matin (ce n’est plus le cas aujourd’hui !).
Si vous vous rendez à l’abbaye, vous tomberez nez à nez avec de grands champs de lavande qui l’entourent ! Et dans le magasin de l’abbaye, vous trouverez des biscuits, du miel, ou encore des sachets de lavande !
Un moine travaille dans les ruches de l’abbaye © Abbaye de Sénanque
Une abbaye qui ne manque pas d’humour(istes)
Sénanque a une grande communauté de fans, notamment grâce à la beauté du lieu et de l’architecture cistercienne ! Et on nous dit dans l’oreillette que quelques têtes connues se cachent parmi eux ! Et il faut dire que cela donne lieu à des anecdotes pépites !
Ainsi, en 2018, alors que l’abbaye menace de s’écrouler, l’humoriste Elie Semoun n’hésite pas à utiliser sa notoriété pour aider les moines à récolter les 800 000€ nécessaires à la rénovation de l’édifice ! Encore récemment, l’acteur confiait dans la célèbre émission « On n’est pas couché » son attachement pour Sénanque, où il aime partir en retraite spirituelle.
Récemment, c’est aussi Gad Elmaleh qui a fait parler de l’abbaye. En effet, dans son film « Reste un peu » qui parle de son cheminement dans la foi catholique, l’humoriste mentionne son échange avec un moine lors d’une retraite spirituelle… Il s’agit bien évidemment d’un frère de l’abbaye de Sénanque ! Petit moment cocasse pour l’acteur qui relate notamment que le religieux ne le connaissait absolument pas !
L’abbaye est entourée de champs que cultivent les frères © Abbaye de Sénanque
L’abbaye de Sénanque est « timbrée » !
Sénanque est un joyau de Provence qui fait rêver même La Poste ! En effet, un certain Alain Ferrer, président d’une association philatélique (collectionneurs de timbres), a annoncé l’édition d’un timbre à l’effigie de l’abbaye ! Les timbres sont commercialisés depuis juin 2023 !
Timbre de Sénanque © Abbaye de Sénanque
Bientôt un saint à l’abbaye de Sénanque ?
Parmi les moines de Sénanque au XIXe siècle, il pourrait bien y avoir un nouveau saint… Pour s’en convaincre, il suffit d’aller jeter un œil dans les procès de béatification en cours ! On y retrouve le dossier de Jean Léonard (1815-1895), un prêtre entré à l’abbaye de Sénanque qui devient rapidement maître des novices. Reconnu pour sa piété profonde et sa culture littéraire et scientifique, Jean rayonne et sème un esprit de famille dans la communauté.
Il devient ensuite abbé de Fontfroide, mais laisse une trace profonde à Sénanque. Ses paroles et écrits vont vite se disperser, et vont notamment influencer de grandes personnalités comme sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ou Dom Chautard (éminet abbé de l’abbaye de Sept-Fons de 1899 à 1935). Il se pourrait bien que Sénanque ait donc donné naissance à un saint, l’avenir nous le confirmera peut-être…
Portrait du Père Jean Léonard, abbé de Fontfroide © Abbaye de Fontfroide
En savoir plus (adresse, retraite, produits…)
Ça y est ! Vous connaissez tout (ou presque !) sur l’abbaye de Sénanque ! Les frères vous accueillent tout au long de l’année pour vivre un temps de retraite ! N’hésitez pas à contacter les frères pour réserver une chambre à l’hôtellerie !
Et parce qu’on ne connaît bien quelqu’un qu’en ayant goûté sa cuisine, on vous conseille d’aller faire un tour au le magasin de l’abbaye pour déguster miel et biscuits ! Voici leur adresse : abbaye Notre-Dame de Sénanque, 84220, Gordes.
Et sinon, voici une petite sélection des produits de l’abbaye de Sénanque :